Lacoue-Labarthe kuollut


Lacoue-Labarthe
muistokirjoitukset

Mannermaisen nykyfilosofian johtaviin nimiin lukeutunut Strasbourgin yliopiston estetiikan professori ja teatteriohjaaja Philippe Lacoue- Labarthe (s. 1940) kuoli Pariisissa 27.1.2007. Lacoue-Labarthen terveys oli jo pitkään ollut heikko. Suomessakin 1993 vieraillut Lacoue-Labarthe tunnettiin ennen kaikkea Martin Heideggerin, Jacques Derridan ja Jacques Lacanin ajattelua sekä mm. Paul Celanin ja Friedrich Hölderlinin runoutta seurailevasta työstään, johon liittyi kiinteästi teatterin tekemisen
teoria ja käytäntö. Hänen läheisin työtoverinsa oli samassa yliopistossa opettanut Jean-Luc Nancy; sekä Lacoue-Labarthe että Nancy esiintyivät vuonna 2004 valmistuneessa dokumenttielokuvassa The Ister, joka perustuu Heideggerin vuonna 1942 pitämiin Hölderlin-luentoihin.

Alla Libération-lehden ranskankielinen muistokirjoitus.   

 

Jussi Backman

 

 

 

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Subject: Article de Libération. Décès de Ph. Lacoue Labarthe

Philippe Lacoue-Labarthe est mort d'insuffisance respiratoire dans la

nuit de samedi à dimanche, à l'hôpital Saint-Louis à Paris.

Philosophe, germaniste, traducteur et homme de théâtre, professeur

d'esthétique à l'université de Strasbourg, il avait 67 ans.

Assise. Etait-il venu à la philosophie à cause de la très haute idée

qu'il se faisait de la littérature, à laquelle il se destinait au

commencement ? Ou s'était-il mis à l'écriture justement à travers les

accointances de celle-ci avec l'acte même de penser, au moins depuis

Platon ? Questions probablement aporétiques pour Lacoue-Labarthe et

proprement circulaires, qui trouvaient pourtant chez lui une assise,

un point de stabilisation dans sa conception, et de la pensée et de la

littérature, comme des arts de la mise en scène.

Dans ce théâtre mental dont il est le piètre héros, le sujet moderne

se sauve pourtant s'il parvient à franchir indemne l'épreuve du

langage. Ce combat, chez Lacoue-Labarthe, n'a pas été que

métaphorique, lorsqu'on songe que la langue philosophique, qu'il s'est

agi pour lui de parler et de refuser à la fois, n'est autre que celle

de Martin Heidegger. A travers quel équilibre instable, entre respect

et rejet, peut-on accueillir la grandeur vivifiante de l'oeuvre tout

en continuant à se (dé)battre contre la noirceur éthique du philosophe

allemand ? Une génération de philosophes français est passée par là ;

Lacoue-Labarthe est celui qui, certainement, a été le plus loin dans

ce questionnement inépuisable, orientant et sans doute marquant ses

lectures de Hölderlin, Diderot, Celan, Blanchot, Rimbaud, Benjamin,

Marx... jusqu'aux romantiques allemands.

Ami de Michel Deutsch, Jean-Pierre Vincent, Gilberte Tsaï et

Jean-Christophe Bailly, Philippe Lacoue-Labarthe était au théâtre

comme chez lui, fournissant par exemple une traduction en français de

la traduction allemande par Hölderlin d' Antigone de Sophocle. Ou

encore d' oedipe du même Sophocle via le même Hölderlin. Avec la

traduction ­ sa pratique, ses enjeux théoriques ­ Lacoue-Labarthe

s'est débattu sa vie durant, non pas comme une activité parmi

d'autres, mais comme l'expérience d'une traversée de la pensée, voire

son transport d'une langue à une autre qui ne peut se faire qu'à

travers une expérience proprement poétique.

Amour. Ami de Jean-Luc Nancy, il a formé avec Jacques Derrida un trio

intellectuel qui venait confirmer le geste platonicien fondateur qu'il

ne peut y avoir de pensée qu'érotique, que c'est l'amour qui fait

penser, l'amour de la pensée en l'occurrence. Derrida le soulignait

encore dans un colloque, peu avant de mourir : «Ce que je partage avec

Lacoue-Labarthe, nous le partageons aussi tous deux, quoique

différemment, avec Nancy. Si quelque chose a bien dû nous rassembler,

il n'y a jamais eu entre nous aucune ligne commune, mais quelque chose

a dû favoriser un sens respectueux non seulement du droit à la

philosophie, de la justice dans la pensée, c'est-à-dire aussi la

probité dans l'écriture, l'éthique, le droit et la politique.»